memoire
30.07 2014

Oubliez les études standards: elles ne livrent pas la vérité – 2

J’ai déjà évoqué ici l’importance de l’observation pour comprendre quelle est la vraie vie des gens. Elle est liée au fait que hors contexte, personne n’est jamais conscient de ses gestes et que cette conscientisation du quotidien n’est justement activée que par le contexte.

N’écoutez pas ce que je raconte : mes souvenirs sont faux !

De nouvelles découvertes en neurosciences confirment encore ce propos. D’une part nous apprenons que nos souvenirs ne sont pas des enregistrements parfaits de nos expériences, mais d’autre part nous découvrons que nous les modifions à chaque fois que nous les appelons à la conscience.

La mémoire n’est pas fiable.

La psychologue Elizabeth Loftus avait procédé il y a déjà longtemps à une célèbre expérience sur ce qu’elle a appelé le syndrome des faux souvenirs. Elle avait soumis un journal détaillant quatre événements de leur petite enfance à deux douzaines de personnes. Trois faits étaient réels. La quatrième expérience était purement fictive. Elle décrivait comment, à l'âge de cinq ans, chaque enfant avait été perdu dans un centre commercial et sauvé par un inconnu. Quand elle avait interviewé les sujets, un quart d'entre eux se rappelait avoir été perdu, et s’en souvenait même avec un remarquable sens du détail. « Je pleurais, je me souviens de ce jour. . . Je pensais que je ne reverrais plus jamais ma famille ». « Un vieil homme s'est approché de moi. . . . Il portait une chemise de flanelle. . . . Je me souviens que ma mère m'a dit de ne jamais plus recommencer ». Sauf qu'il n'y avait jamais eu d'homme en chemise de flanelle ni d’avertissement de la mère.
Cette découverte de l’absence de fiabilité des souvenirs a changé la tournure de nombre de procès aux États-Unis.

Le souvenir se reconfigure et se modifie en permanence avec le temps.

Le processus biochimique et électrique qui fixe le souvenir long terme prend plusieurs heures. On appelle cela la consolidation. Le neuroscientifique Karim Nader a montré que ce processus se renouvelle en réalité de multiples fois. La mémoire se reconsolide en permanence. La maintenance des réseaux de synapses est autant importante que leur création. Et lorsque le souvenir se rappelle à l’esprit, il peut alors être modifié par celui-là même qui le rappelle. Le fait de se rappeler rend le souvenir vulnérable. Le souvenir est une matière instable qui s’altère.

L’émotion associée au souvenir peut être changée.

La neuroscientifique Daniela Schiller étudie la biologie des souvenirs émotionnels dans le cerveau. Ses travaux indiquent que, un peu comme un traitement de texte, nous pouvons réécrire nos souvenirs traumatisants. Nous pouvons les réenregistrer dans la mémoire en modifiant leur caractère émotionnel. Si on n’efface pas les souvenirs traumatisants, on peut certes les inhiber mais il faut toujours vivre avec. Désormais, on sait qu’on peut les changer en des souvenirs dont la charge émotionnelle sera différente, neutre ou positive. On ne perd pas le souvenir de l’expérience traumatisante, on perd le traumatisme lié au souvenir.

Alors pour comprendre la vérité des usages, vaut-il mieux interroger des utilisateurs sur ce qu’ils se souviennent avoir fait, ou bien les observer en train de faire ? Hommes et femmes de marketing, ne vous fiez pas aux souvenirs de groupes représentatifs, mais demandez aux ethnologues d’observer vos usagers et clients dans leur cuisine, dans leur voiture ou en vacances.

Pour alimenter cette théorie de façon concrète, je suis preneur de vos expériences en la matière ! A vous lire !



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publié le 30/07/2014 à 05:14
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