Show me the truth
14.01 2014

Oubliez les études standards: elles ne livrent pas la vérité – 1

Observons ! Et bâtissons un nouveau monde des études clients.

Les études qualitatives basées sur le déclaratif sont impropres à la compréhension de la vie des consommateurs. Elles se fondent sur ce qu’ils disent faire mais pas sur ce qu’ils font réellement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles sont conduites hors d’un contexte réel de vie et que, hors contexte, personne n’est conscient de ses gestes.

Or pour innover il est capital de partir de la vérité des usages d’aujourd’hui pour imaginer de nouveaux mondes. Si les études déclaratives ne sont pas fiables, où trouver la matière première de l’innovation ?

C’est l’observation qui active la conscientisation du quotidien.

Si vous me demandez de vous décrire la façon dont je prépare le petit déjeuner avec mes enfants, il y a de fortes chances pour que je vous raconte n’importe quoi. Non pas parce que je voudrais vous flouer, mais parce que je n’ai pas conscience de tous ces micro gestes, ces habitudes, ces réflexes que je n’ai que debout dans ma cuisine avec mes enfants chahutant autour de moi.

En revanche, si vous me filmiez dans ma cuisine et que vous me montriez ensuite ces images, je prendrais alors instantanément conscience de mes gestes réels et je pourrais au besoin vous les expliquer. C’est ce que les anthropologues appellent le phénomène de conscientisation. Ce processus d’éveil de la conscience est indispensable pour mener à une compréhension de la réalité humaine, sociale et environnementale, puis à un regard critique.

N’écoutez donc pas ce que je dis mais regardez ce que je fais.

L’observation des gens dans leur contexte réel de vie fournit la seule matière d’études parfaitement fiable. Elle révèle des informations dont nous n’avons peut-être pas conscience et qui ne se dévoilent qu’in situ :
•    des freins subliminaux
•    des rituels et croyances
•    des détournements d'usage
•    des usages émergents
•    etc.

Un exemple : qui dirait consciemment « Quand je finis ma boîte de médicament en poudre, je verse le fond de la boîte bientôt périmée dans la boîte neuve » ? Aussi incroyable que cela puisse paraître pour l’industrie pharmaceutique, ce geste-là est pourtant courant. Le réflexe inconscient d'économie du patient va à l'encontre de leurs recommandations sanitaires. Mais pour le comprendre, il faut observer les malades en situation au lieu de les interroger sur ce qu’ils ont conscience de faire.

Une démarche sérieuse d’étude doit respecter les professionnels de l’observation, leurs outils et leurs méthodes.

De mon point de vue elle repose sur 4 piliers :
•    Des professionnels des sciences humaines : anthropologues et ethnologues des mondes contemporains qui s’immergent et recueillent une connaissance contextualisée par une méthodologie inductive ;
•    Des moyens techniques pour faciliter l’immersion non intrusive dans la vie des gens ;
•    Un protocole scientifique ;
•    Des outils de restitution adaptés à une exploitation opérationnelle (partage et mise en commun rapides).

Correctement exploitée, cette approche ethnographique produit des résultats remarquables –et souvent inattendus. Cela nécessite de démarrer les recherches par une posture agnostique. Il faut accepter par exemple de mettre en question les segmentations traditionnelles.

InProcess Lab™ a conduit récemment une étude pour un grand groupe de cosmétiques dont l'objectif était de comprendre les pratiques de maquillage en Chine et en Corée. Sans en livrer les résultats, nous avons découvert que la vraie segmentation des rituels de beauté n’est pas entre femmes de plus de 30 ans et de moins de 30 ans. La véritable rupture réside dans la vitesse du maquillage. Certaines femmes pratiquent un maquillage ultra-rapide, parfaitement en harmonie avec leur rythme quotidien, quand d’autres se maquillent lentement, un peu comme certains peintres pratiquent l'aquarelle et d'autres l'huile. Les équipes de notre client ont eu l’habileté de remettre en question leur segmentation habituelle pour concevoir ensuite des produits parfaitement adaptés à leurs deux nouvelles cibles.

Une de nos clientes me confiait récemment qu’une vertu inattendue des études ethnographiques est qu’elles permettent de convaincre un comité de direction en quelques instants.

La puissance de 30 secondes de vidéo montrant un utilisateur emblématique qui fait ses courses dans un hypermarché fréquenté vaut tous les discours et tous les chiffres du monde. Dans l’entreprise où règne la culture du R.O.I. les films ethnographiques font toucher du doigt l’explicite et l’implicite pour des prises de décision immédiates.

De grandes entreprises innovantes ont intégré des ethnologues et mis en place des méthodes professionnelles d'observation.

Stéphane Richard et ses équipes ont saisi la puissance et la valeur des études ethnographiques. C'est aussi le cas chez La Poste, le Groupe Seb, Décathlon, Procter & Gamble ou Microsoft par exemple. Ces méthodes percent également chez certaines agences comme Nurun.
Mais ailleurs, des budgets colossaux sont encore consacrés au développement de nouveaux produits sur la seule foi des études qualitatives traditionnelles. 60% de ces nouveautés ne survivent pas au-delà de 2 ans. Il est urgent d'aborder aujourd’hui la connaissance du client et de l'utilisateur de façon plus scientifique !

Car l’innovation réussie repose sur la compréhension subtile des usages émergents aujourd’hui.

La matière première de l’innovation, son diamant brut, ce sont les mutations d’usages, des modes de vie, des relations. Les professionnels de l’innovation analysent leur éclat, leur capacité de réfraction, leur couleur avant d’imaginer de nouvelles tailles et de créer des joyaux fabuleux. Si le diamant brut n’est pas pur, le processus d’innovation est stérile.

Je suis déterminé à appuyer le mouvement de compréhension fiable des usages en mutation dans l’entreprise. Je milite pour instaurer un corpus de pratiques adaptées aux nouveaux enjeux de l'entreprise, des utilisateurs, des citoyens et de la société. Parce que c'est la garantie pour créer des offres fiables qui assureront la robustesse et la pérennité de nos entreprises. Et parce que cela représente un actif économique tout à fait modélisable.
J'expliquerai cela bientôt !



2 thoughts on “Oubliez les études standards: elles ne livrent pas la vérité – 1

  1. admin dit :

    Merci pour ce commentaire pertinent.
    Vous soulevez un point important.
    Malgré tout, il faut considérer les études ethnographiques comme des études qualitatives. Et contrairement à ce que l’on pense, les usages intègrent autant les fonctions que les imaginaires. Ils sont liés et se nourrissent, s’influencent mutuellement.
    De ce fait, je préconise de toujours commencer par une observation inductive (sans idée préconçue) et de laisser émerger les enseignements. L’observation des espaces de vie en dit long sur les univers. Ensuite, vous pouvez confronter les répondants à la réalité de leurs usages pour obtenir un déclaratif très profond. Mais ce n’est possible que parce qu’il y a un point de départ contextualisé, donc une observation in vivo.
    J’espère que cela répondra à votre point. Ravi de pouvoir échanger avec vous sur ce sujet passionnant.
    Christophe Rebours

  2. Boris dit :

    Bonjour.
    Un article particulièrement intéressant et pertinent. Je suis également convaincu de l’intérêt des études centrées sur les usages.
    Une remarque toutefois : je pense qu’il faut croiser les résultats de ces études d’usages avec ceux d’études qualitatives.
    Certes, lorsque quelqu’un parle, il ne décrit pas forcément ses gestes précis. Toutefois, les études qualitatives font appel à son imaginaire, ce qui n’est pas le cas dans ses usages du quotidien.
    C’est à mon avis en croisant ces deux approches que l’on obtient les meilleurs résultats.

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publié le 14/01/2014 à 10:22
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(2) Commentaires